Dans ma pratique artistique comme dans celle d’ergothérapeute en psychiatrie, je m’intéresse à la nature de la psyché humaine et à son langage symbolique. Par le biais de mises en scène, je tente de mettre en place des interactions mystérieuses qui évoquent certaines réalités psychiques méconnues ou rebutantes : l’inconscient, les défenses, les relations de pouvoir, la violence, le rapport avec la transcendance et les archétypes pour ne nommer que celles-là.
Mon travail artistique est multidisciplinaire (dessin, photo, sculpture, vidéo) mais l’image est le point central de ma pratique. Pour arriver à créer l’univers onirique me permettant de développer mon propos, j’utilise un vaste registre iconographique (p.ex. images provenant de l’histoire de l’art, de l’alchimie, des arts décoratifs, des dessins d’enfants). Je procède par collage, juxtaposition ou assemblage afin d’organiser les images dans un tout qui évoque des contenus inconscients. Dans mon rôle de thérapeute, je tentais d’être totalement disponible aux productions psychiques de mes patients afin que nous les regardions ensemble. Comme artiste, j’agis telle une chamane : réceptive sensoriellement et cognitivement, je deviens un canal que les images traversent avant de prendre forme.
Ma recherche visuelle et conceptuelle est soutenue par des concepts théoriques issus des domaines de la psychologie et des sciences des religions par des auteurs tels que C.G. Jung et Mircea Eliade. Mon travail est alimenté formellement par la recherche de nombreux artistes tels que Marcel Dzama , David Altmejd, David Lafrance et certains artistes bruts comme Henry Darger et Pudlo Pudlat.
Je débute généralement la construction de mes images à partir d’éléments photographiques ou dessinés consignés dans des cartables (p.ex. personnages, objets, paysages) et faisant partie d’une sorte d’encyclopédie idiosyncrasique. Ces éléments deviennent ensuite acteurs de mises en scène se déroulant dans un espace où les notions de perspectives sont délibérément faussées. Les tensions créées par les interactions entre les différents symboles, leur répétition et leur juxtaposition construisent une trame narrative dont le sens doit lentement être décrypté. L’ambigüité narrative, symbolique et perceptuelle présente dans mes créations offre une certaine résistance à l’interprétation. Celle-ci demande un travail d’association et de reconstruction, travail familier à qui souhaite explorer les confins de la psyché humaine et qui est aussi celui du spectateur. En ce sens, les images et sculptures que je produis se veulent médiateurs entre des réalités indicibles (l’inconscient, les archétypes, le sacré) et la personne qui regarde. Par cette interaction particulière, je souhaite amener le spectateur à se coltiner à ces réalités.
Mon travail récent s’attarde davantage à développer une articulation entre mon univers graphique et sa mise en espace et/ou en mouvement. Pour arriver à amorcer ce glissement, j’emprunte aux jeux et jouets d’enfants certaines caractéristiques, mécanismes ou mode d’emploi. Ces jeux (boîtes à surprise, mobiles, jeux de papier, maquettes) permettent la manipulation et le mouvement des éléments visuels ainsi que leur déploiement dans l’espace. Ils sont aussi un moyen d’activer un monde imaginaire et symbolique issus de l’enfance et donc plus près de contenus inconscients. Par exemple, par réappropriation des principes constituant la maison de poupée ou la maquette de papier, je crée de nombreux décors et personnages de carton que je manipule et dispose sur un fond noir. Je joue alors avec les personnages-symboles afin de créer une narration dont je pressens le sens sans en détenir toutes les clés. L’usage de la photographie, par sa mise à distance, ajoute quant à elle une couche d’ambiguïté perceptuelle qui n’était pas possible dans une forme simplement graphique.
Catherine Bond vit et travaille à Montréal depuis 2000. Elle obtient un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal en 2005. Diplômée de l’université de Montréal au baccalauréat en ergothérapie en 2008, elle partage son temps entre sa pratique artistique, sa pratique professionnelle en psychiatrie et sa vie de famille auprès d’un enfant à besoins particuliers. Elle est actuellement candidate au programme de maîtrise en Arts visuels et médiatiques de l’UQÀM.